Les agriculteurs veulent-ils produire dans des conditions de commerce équitable ?

Les agriculteurs veulent-ils produire dans des conditions de commerce équitable ?

04/09/2017

Les ventes mondiales de la plupart des produits certifiés commerce équitable continuent d'augmenter annuellement. Mais qu'en est-il du choix de l'agriculteur ? Décide-t-il à l'avance de produire pour les marchés intérieurs, ou l'avantage de se conformer aux normes du commerce équitable est-il plus important ? Une équipe de chercheurs de l'Université de Louvain (Belgique) a posé cette question aux riziculteurs à Savalou, au Bénin, comblant ainsi une lacune dans les études sur le commerce équitable.

Les consommateurs occidentaux achètent de plus en plus des produits certifiés commerce équitable. Ils sont préoccupés par les conditions dans lesquelles les denrées alimentaires et les produits agricoles sont produits et si les agriculteurs bénéficient réellement du commerce. Le commerce équitable offre un prix de vente minimum et une prime sociale aux organisations d'agriculteurs, assurant ainsi des relations commerciales à long terme et améliorant la capacité des producteurs. À côté de ces avantages, le commerce équitable implique également des exigences sur les pratiques de production, comme une réduction des fertilisants et des pesticides, ainsi que sur les conditions de travail, telles que l'interdiction du travail des enfants.

L'accès des agriculteurs à la certification commerce équitable et son impact sur leurs moyens de subsistance ont fait l'objet d'une enquête approfondie. Certaines études trouvent des effets positifs alors que d'autres trouvent peu ou pas d’effets. L'accès aux contrats du commerce équitable se limite souvent aux agriculteurs les plus performants, car les agriculteurs les plus pauvres n'ont pas de capital initial pour postuler à la certification et ne sont pas en mesure de se conformer aux exigences. De plus, de nombreuses études ont évalué combien les consommateurs occidentaux sont prêts à payer pour les produits du commerce équitable ; elles révèlent qu'une part significative des consommateurs est prête à payer un prix plus élevé.

La grande insuffisance : les riziculteurs eux-mêmes veulent-ils produire selon les normes du commerce équitable ?

Cependant, il existe une grande insuffisance dans ces études. La question de savoir si les agriculteurs eux-mêmes veulent réellement produire dans des conditions de commerce équitable n'a jamais été posée auparavant. Les avantages de la certification commerce équitable l'emportent-ils sur les coûts des exigences ? Existe-t-il certains aspects de la certification qui peuvent être adaptés aux préférences des agriculteurs ? Il est surprenant que ces questions n'aient pas encore été étudiées, étant donné que la certification peut devenir plus efficace si une meilleure connaissance des préférences commerciales et des contrats des agriculteurs est disponible. Ces idées sont utiles pour améliorer l'efficacité des systèmes de certification et pour s'assurer qu'ils sont adaptés aux besoins des agriculteurs.

Notre étude a porté sur les petits exploitants de riz dans la région de Savalou au Bénin. Plus précisément, nous avons enquêté sur la volonté des agriculteurs à accepter les exigences du commerce équitable ; quelles exigences constituent un obstacle à l'adoption ; et quels avantages sont valorisés par les agriculteurs. Nous avons comparé les préférences des agriculteurs à l'égard des contrats de commerce équitable et des contrats combinés commerce équitable-biologique (dans lesquels ils exportent vers le marché international) avec des régimes de contrats domestiques (dans lesquels ils fournissent au marché local). La région de Savalou est intéressante car, en 2010, les producteurs de riz ont reçu le soutien de VECO en collaboration avec le Groupe Colruyt pour mettre en place une chaîne d'exportation certifiée commerce équitable. L'objectif principal de ce projet était de donner aux agriculteurs une cible tangible pour améliorer la qualité de leur riz et la structure de gouvernance de leurs organisations. Après trois ans, la chaîne d'exportation a été arrêtée, principalement parce que les normes de qualité européennes ont été respectées et que le riz pouvait concurrencer le riz asiatique importé. En outre, la croissance des volumes de ventes en Europe était plus faible que prévue, ce qui a rendu la structure des coûts non durable à long terme.

Les marchés alimentaires africains sont de plus en plus attrayants pour les petits agriculteurs que les marchés d'exportation

Qu'a conclu notre étude ? Nous avons constaté que la majorité des agriculteurs de Savalou préfèrent vendre leur riz dans le cadre d'un contrat (par les entreprises locales) par rapport à la vente individuelle sur le marché. La fourniture dans le cadre d'un contrat de marché domestique est plus attrayante que l'exportation dans le cadre d'un contrat de commerce équitable sur le marché international, car la chaîne de valeur du riz local comporte moins d'exigences sur les pratiques de production des agriculteurs. Aux prix actuels du marché, les agriculteurs sont également prêts à accepter le commerce équitable qui inclut les restrictions sur les fertilisants et le travail des enfants avec une prime sociale. Cependant, ils ne sont pas disposés à accepter un contrat combiné commerce équitable-biologique qui interdit totalement l'utilisation des produits chimiques. Pour accepter cela, les agriculteurs ont besoin d'une compensation monétaire nettement plus élevée.

Nos résultats impliquent que les marchés alimentaires africains deviennent plus attrayants pour les petits agriculteurs que les marchés d'exportation. L'agriculture contractuelle du riz pourrait être efficace pour mieux relier les agriculteurs aux marchés urbains domestiques et améliorer les chaînes nationales de valeur du riz dans l'intérêt de la sécurité alimentaire. Les résultats sur la certification commerce équitable-biologique impliquent qu'une prime assez importante est nécessaire pour que les agriculteurs acceptent les normes biologiques et respectent volontiers ces contrats. Cela signifie que l'ajout d'exigences organiques pourrait compromettre l'adoption et l'expansion du commerce équitable.

Ces implications sont bien sûr spécifiques pour les riziculteurs de Savalou. Pour les cultures comme le café et le cacao qui sont moins consommés sur le marché local, mais plutôt destinés au marché international, le commerce équitable pourrait encore être une voie prometteuse pour les agriculteurs.

Article complet (en anglais) :

Van den Broeck G., Vlaeminck P., Raymaekers K., Vande Velde K., Vranken L., Maertens M. (2017). Rice farmers' preferences for fairtrade contracting in Benin: Evidence from a discrete choice experiment. Journal of Cleaner Production, 165, 846-854.

Questions? goedele.vandenbroeck [at] kuleuven.be

Read online or download pdf...